Au pôle sud magnétique

En janvier dernier au cours d’un voyage vers l’Antarctique de l’Est et la Terre Adélie, nous sommes passés pour la seconde fois par le pôle sud magnétique. Nous n’avons aucune image à vous proposer de cet événement, puisqu’il n’y avait rien à voir de particulier à cet endroit situé en pleine mer. La seule manifestation visible à l’approche du pôle, fut le fait que le compas magnétique du navire changeait sans arrêt de position, indiquant successivement différents caps, comme s’il avait littéralement « perdu la boussole » ! Nous ne devions alors compter que sur le compas électronique et les GPS. S’il n’y avait donc « rien à voir » ce jour là et que seule une position géographique nous permettait de savoir que nous étions bien au pôle magnétique, se trouver là fut pourtant un moment particulier. A la pensée d’abord des expéditions qui, depuis le 19ème siècle, tentèrent de le localiser et de l’atteindre. Ensuite, car c’est un pôle de notre planète que très peu de personnes ont atteint à ce jour…

C’est quoi ?

Le pôle sud magnétique correspond à l’endroit de la surface de la Terre où les lignes du champ magnétique terrestre « sortent » de façon parfaitement verticale. On parle alors d’une inclinaison magnétique de 90°, s’agissant de l’angle entre le plan horizontal et la direction du champ magnétique. Le pôle magnétique n’est pas fixe et sa position se déplace actuellement de quelques kilomètres par an dans une direction nord ou nord-ouest.

L’expédition de Sir James Clark Ross

La première représentation du champ magnétique terrestre sous forme mathématique fut proposée par Carl Friedrich Gauss en 1838. La même année, l’association britannique pour l’avancement de la science (rebaptisé en 2009 British Science Association, association britannique pour la science), souligna le manque de travaux et de connaissances au sujet du magnétisme terrestre, et ce plus particulièrement dans l’hémisphère sud. C’est dans ce cadre, que James Clark Ross (qui avait localisé et atteint le pôle nord magnétique en juin 1831) fût envoyé à la tête des navires Erebus et Terror afin de mener des travaux de recherches et de déterminer la position du pôle sud magnétique. Ross poussa ses navires loin au-delà des glaces dérivantes et découvrit la mer qui porte son nom, le mont Erebus et la grande barrière de glace. Mais à l’issue de ses deux séjours en 1841 et 1842 dans cette région, il conclut que les montagnes qui se dressent devant ses navires lui barrent la route du pôle qu’il convoitait tant. Ross estime alors sa position par 75°5’S 154°8’E.

« […] peu peuvent comprendre les profonds regrets que je ressens, astreint d’abandonner le peut-être trop ambitieux espoir que j’ai caressé depuis longtemps, de pouvoir planter le drapeau de mon pays aux deux pôles magnétiques de notre globe […] ».
James Clark Ross, 17 février 1841

 

Autres expéditions, autres calculs

Au milieu du 19ème siècle, le français Jules Dumont d’Urville et l’américain Charles Wilkes tentèrent également d’atteindre le pôle sud magnétique, du côté de la Terre Adélie. Au tout début du 20ème siècle, Carsten Borchgrevink détermine sa position à 73°20’S 146°E. Louis Bernacchi, physicien de l’expédition Discovery (1901-1904) dirigée par Robert Falcon Scott, l’estime quant à lui par 72°51’S 156°25’E.

David, Mawson et Mackay

En 1908, trois hommes quittent le camp de base de l’expédition Nimrod basée au cap Royds. Ils longent la côte de la Terre Victoria et traversent deux langues glaciaires, avant de poursuivre sur la calotte du continent en suivant le glacier Nansen. Le 16 janvier 1909, Douglas Mawson, Alistair Mackay et Edgeworth David, atteignent la position de 72°25’S 155°16’E, calculée comme étant l’emplacement du pôle sud magnétique à l’époque. La photo des trois hommes, prise par David tirant sur une cordelette, reste l’une des plus célèbres de l’histoire.

Mais dans une lettre du 25 mai 1925 adressée à Mawson par le Professeur David, celui-ci précise qu’il serait bon d’informer le milieu scientifique et la presse, que leurs calculs de l’époque de la position du pôle n’était pas des plus précis. Edgeworth a vraisemblablement raison car la comparaison de leur position calculée en 1909, avec celle estimée depuis par les scientifiques pour la même année, laisse à penser que les trois hommes se trouvaient à environ 250 kilomètres du pôle sud magnétique. Quoi qu’il en soit, leur épopée de plus de 1200 kilomètres reste à ce jour l’une des plus extraordinaires de l’exploration de l’Antarctique.

La base Charcot

A l’occasion de l’Année Géophysique Internationale de 1957-1958, plusieurs nations installent des bases en Antarctique. Seules trois d’entre elles le sont à l’intérieur du contient : une soviétique à Vostok, une américaine au pôle sud géographique et une française à proximité du pôle sud magnétique. La base Charcot est établie sous la neige à 2400 m d’altitude et 340 km de la côte. Deux équipes de trois hommes y hivernent dans un espace restreint de 24m² où règne une température à peine positive. La base sera abandonnée à l’issue du second hivernage en janvier 1959.

En mer depuis 1960

Depuis 1960, le pôle sud magnétique se trouve en mer et non plus sur le continent Antarctique. En 1961, il était à environ 6 kilomètres au nord-est de la base de recherche française Dumont d’Urville en Terre Adélie. Il se situe de nos jours à environ 300 kilomètres de la côte.

La plupart des cartes comme celle ci-dessous montrent les positions annuelles du pôle. Il s’agit donc d’une moyenne des différentes positions sur une même année, le pôle magnétique se déplaçant constamment. Au cours d’une journée calme sans perturbation solaire, sa position bouge dans un rayon de vingt kilomètres. Au cours d’un jour perturbé, comme lors d’un orage magnétique par exemple, la magnétosphère va se compresser, les lignes de champs magnétiques vont se déplacer et la position du pôle avec, et ce dans un rayon de 200 kilomètres !

Selon l’Australian Antarctic Division, sa dérive est actuellement d’environ cinq à huit kilomètres par an.

Sources et références

  • Positions des pôles magnétiques (NOAA)
  • Fred Jacka et Eleanor Jacka, Mawson’s Antarctic Diaries, Allen & Unwin, 2009

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