Il y a 100 ans, Amundsen… mais aussi Douglas Mawson
Dans un article précédent, j’évoquais le centenaire de la conquête du pôle Sud par le norvégien Roald Amundsen et son équipe. Mais l’année 2011 marque aussi le centenaire de l’expédition antarctique australienne officiellement appelée Australasian Antarctic Expedition. Elle fut menée entre 1911 et 1914 par Douglas Mawson dans le cadre de l’exploration et de la cartographie d’une partie quasiment inexplorée de la côte de l’Antarctique située au Sud de l’Australie.
Douglas Mawson était géologue, il étudia notamment des territoires connus maintenant sous le nom de Vanuatu et sera nommé maitre de conférence à l’Université d’Adélaïde en 1905. En novembre 1907, Ernest Shackleton de passage en Australie pour son expédition en Antarctique, accepte d’embarquer Mawson et son professeur le Docteur Edgeworth David, qui souhaitent étudier s’il y a un lien entre la géologie de l’Antarctique et celle de l’Australie. Shackleton remarque rapidement les qualités de Mawson tant physiques et scientifiques, qu’humaines et le nomme chef d’expédition pour effectuer la première ascension du volcan Erebus dans la région de la mer de Ross. Celle-ci fut réussie après 5 jours de montée dans des conditions épouvantables par Mawson, David et Mackay le 5 mars 1908.
Mis en avant par ce succès, Mawson accompagné des mêmes vainqueurs du mont Erebus se voit attribuer une seconde mission ; atteindre le pôle Sud magnétique. Après un raid de 122 jours et avoir parcourus plus 2 000 kilomètres, les trois hommes sont de retour éprouvés par ce voyage, mais la mission est accomplie, le pôle magnétique est atteint le 16 janvier 1909.
« Mawson a été le véritable chef qui était l’âme de notre expédition vers le pôle magnétique. Nous avons vraiment en lui un Nansen Australien, des ressources infinies, une condition physique impressionnante et l’indifférence étonnante au froid. »
Professeur David dans un hommage public
En 1910, Robert Falcon Scott est en Australie en vue du départ pour son expédition à la conquête du pôle Sud. Mawson en profite et lui demande alors de l’embarquer afin de poursuivre ses travaux de recherche. Scott accepte, mais lui propose de prendre plutôt part à son expédition vers le pôle Sud géographique. Mawson refuse l’offre car en tant que scientifique, il reste plus intéressé par les travaux de recherche que par un quelconque exploit.
Il va finalement monter sa propre expédition dans le but d’explorer et de cartographier des territoires inconnus entre 136° et 142° Est soit 3 000 kilomètres. Pour cela, 3 bases seront installées : 1 sur l’île Macquarie afin d’avoir un relai radio avec l’Australie, 1 dans la baie du Commonwealth et 1 sur la plate-forme de Shackleton. Le navire choisi et adapté à la navigation dans les glaces, est L‘Aurora commandé par John King Davis qui n’en est pas à sa première expédition vers le continent blanc. L‘Aurora quitte Hobart le 2 décembre 1911 avec à son bord 55 membres d’équipage et 38 chiens de traineau.
Le 8 janvier après avoir déposé la première équipe à Macquarie, la seconde débarque dans la baie du Commonwealth, puis la 3ème le 13 février à la plate-forme de Shackleton. De part et d’autre, l’été est mis à profit pour établir des cabanes qui serviront de quartier de vie, d’atelier, de stock de vivres et de lieu de préparation des futurs raids d’exploration. Dans la Baie du Commonwealth, à la cabane Mawson comme elle sera baptisée, la vie est particulièrement difficile car cette région est une des plus ventée du globe.
« Nous vivons aux marges d’un continent où le temps n’existe pas. Seul le souffle glacé d’une étendue sauvage et infinie, doublé de la puissance dévastatrice des éternels blizzards, déferle sur la mer en direction du nord. Nous avons découvert une contrée maudite. Nous sommes au pays du blizzard. »
Journal de Mawson
Fin octobre 1912, ce sont finalement 6 équipes qui partent de la cabane dans des directions différentes pour des raids d’exploration. Le 14 décembre 1912 à midi, alors qu’il fait soleil et seulement -7°C, Ninnis disparait avec le second attelage dans une crevasse. Pendant 3 heures Mertz et Mawson n’obtiennent aucune réponse à leurs appels désespérés lancés au bord du gouffre. A l’aide d’une ligne de pêche, il mesure 45 mètres de profondeur jusqu’à une première corniche, ensuite c’est le gouffre abyssal. A 21h, Mawson lit une ultime prière au bord de la crevasse, Mertz lui sert la main et dit « merci« , ils tournent le dos à l’abîme et reprennent leur route. De retour à la cabane, ils marcheront parfois 24 heures sans interruption. Dehors la nuit, les cris des chiens affamés les empêchent de dormir. Les vivres manquent, un chien est abattu au couteau (s’étant séparés précédemment de tout ce qui était lourd) et une soupe est réalisée à partir de ses os broyés avec une pelle. Le 7 janvier 1913, ne percevant plus de mouvement dans sa tente, Mawson sort le bras de son sac de couchage, Mertz est étendu sans vie à 160 km du point de départ. L’australien, décide de se battre et de tenter de rentrer, il modifie son traineau : le coupe en deux, fait un mât, fabrique une voile avec un bout de veste de Mertz… Ses pieds lui font terriblement mal.
« Les plantes de mes pieds sont en piteux état, elles forment une épaisse semelle d’où coule un liquide qui a imprégné mes chaussettes. La peau neuve dessous est à vif. Plusieurs de mes orteils ont commencé à noircir et suppurent à leur extrémité. Mes ongles se décollent. »
Alors qu’il est à 2 kilomètres de la cabane Mawson, il aperçoit au loin un navire ; l’Aurora s’en va… Mais à la cabane 5 hommes sont restés pour organiser les recherches, un message est alors envoyé au navire qui ne peut faire demi-tour en raison des glaces, du vent et d’un impératif ; récupérer la seconde équipe sur la plate-forme de Shackleton.
Le second hiver « forcé » est consacré à d’autres travaux scientifiques mais il n’y aura pas de grand raids d’exploration. Le 26 février 1914 tout le monde est de retour à Hobart. Le 31 mars, Mawson se marie puis prend part à la première guerre mondiale comme major dans les munitions. En 1926, il est invité à organiser et diriger 2 expéditions (1929-1930 et 1930-1931) maritimes vers les îles Kerguelen, Crozet et Heard. Il prendra sa retraite en 1952 avant de décéder d’une hémorragie cérébrale à 76 ans le 14 octobre 1958.
Douglas Mawson aura marqué pour longtemps l’histoire scientifique et polaire en Australie et dans le monde. Il sera décoré de l’ordre de l’Empire britannique, par la société royale de géographie antarctique, de la médaille d’or des société de géologie américaine, de Chicago, de Berlin et de Paris… Notons que pour la postérité, il aura son portrait sur un billet de 100$, des pièces et des timbres, que furent baptisés en son honneur le mont Mawson en Tasmanie (1 320 m), le pic Mawson sur l’île de Heard (plus haut sommet d’Australie avec 2 745 m), le plateau Mawson au Sud de l’Australie, la base scientifique Mawson en Antarctique, un télescope et même la Dorsa Mawson une crête de montagne sur la lune !! Des quartiers à Cambera et Adélaïde porte son nom, l’avenue principale de la ville de Meadows en Australie… Qui à ce jour peut se targuer d’une telle notoriété ?
Pour en savoir plus sur Mawson et l’expédition australienne antarctique, je vous recommande vivement son journal de bord traduit en français par les excellentes éditions Paulsen Au pays du blizzard.
Très interessant surtout dans les conditions de l’époque !
Et de quoi enrichir sa culture générale.
A bientôt Samuel
Christine