Les 40èmes éreintants

Vous le savez sans doute, mais les eaux des latitudes australes sont connues pour leur violence et parfois leur dangerosité. Ce voyage vers l’île Heard s’est bien déroulé, mais je dois dire que j’ai subi à plusieurs reprises les assauts des vagues, du vent et de la houle. Un grand merci au passage à notre docteur de bord, John, qui a su me fournir les remèdes adéquats afin d’éviter de passer ces longues semaines exclusivement dans mon lit !
Certaines nuits ont été particulièrement difficiles, pour ne pas dire blanches. Le genre de nuit, où il est impossible de fermer l’œil, le moindre bruit devenant suspect. Il faut tout sécuriser, mais sachez que de toute façon au cours de la nuit, il faudra se relever tout même 5 à 8 fois afin de ranger la bouteille d’eau qui réalise son 5ème va-et-vient au sol, sans parler des paires de chaussures, de la chaise… Le navire a enregistré certaines nuits, des gites de l’ordre de 30°. Le genre de tangage où le rideau de la cabine est parfaitement à l’horizontale, où l’eau qui s’écoule du robinet part de travers, où chaque déplacement dans les coursives est un challenge, en venant presque à marcher sur les murs… Je me souviens qu’un soir au dîner, une vague m’a soulevé de mon siège, je me suis retrouvé comme en apesanteur quelques fractions de secondes. Lorsque j’étais de nouveau assis (fort heureusement sur mon siège et non trois mètres à coté sur le sol), j’avais pour assiette celle de mon voisin, et ma bière s’écoulait au sol. La nuit suivante, fut éprouvante : même mon matelas se dilatait sous les assauts des vagues. Prendre une douche fut mission impossible ce jour là, au risque de se casser quelques chose. Ecrire un email d’une main (la second étant cramponnée à la table qui menaçait d’ailleurs de partir aussi), prend des minutes interminables, d’autant plus qu’en même temps, vous sentez le repas qui a légèrement tendance à remonter de vos entrailles !
Une certaine nuit je l’avoue humblement et sans honte, mais pour la première fois, j’ai eu peur en mer… Je me souviendrai en tout cas des ces 40èmes rugissants ou plutôt éreintants, comme j’aurai bien envie de les rebaptiser !
Samuel


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3 réponses
  1. Jo. dit :

    Merci et félicitations Sam pour ton récit de cette nuit là, en toute franchise, sincérité et humilité. C’est tellement rare dans le « milieu » et même exceptionnel que je tiens à le souligner ici. (J’ai connu aussi force 10/11 durant 36 heures , sur le K.K. entre Zavodovsky et Candlemas au point d’avoir défoncé des 2 pieds le panneau d’aération de la porte de ma cabine.) Ensuite au retour et après seulement, on en garde un « inoubliable …voire « bon souvenir » MAIS pour Vous de l’H-S.: Après avoir passé tant de jours et des jours (et des nuits) de mer bien agitée pour se retrouver à quelques kilomètres devant Martin de Viviès et s’entendre « refuser » un débarquement (pour quelles raisons sérieuses ?) doit être non seulement frustrant et bien plus « rageant », sans compter des réflexions assez légitimes du genre « be ware of french hospitality » de la part de ceux qui espéraient pouvoir y débarquer. Même la rencontre avec le rarissime albatros local n’aurait pu m’empêcher de partager cette réflexion.
    Amitiés à Vous Tous et bonne fin de saison dont au sud de l’Antarctic Sound, qui semble en ce montant fortement banquisé et pour encore quelques semaines probablement.
    (Je me demande si vous ne feriez pas, en compensation,Vous, enfin une « première  » : descendre au-delà de 66°33)
    Enjoy all the best !

  2. Samuel dit :

    Salut Jo,
    à part ce refus (connu d’avance, mais je te l’accorde pour des raisons bien obscures pour avoir travaillé sur le dossier) de débarquer, ce voyage a été grandiose : faune, Heard Island sous le soleil, passagers géniaux, ambiance à bord superbe ! Juste la mer parfois, enfin tu connais…
    A+

  3. Edith dit :

    Bonne Année 2013 et plein de belles choses pour la suite.
    Entre le Vendée Globe et tes aventures à toi on rêve.Merci.

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