Le labbe parasite

Labbe parasite au Spitzberg

S’il y a un prédateur redoutable en Arctique, c’est bien lui, le labbe parasite (Stercorarius parasiticus). Alors que la plupart des espèces d’oiseaux nichent dans des falaises au Svalbard (mis à part certains anatidés), lui a plutôt tendance à occuper un terrain parfaitement plat lui permettant de jeter un coup d’œil aux alentours aussi bien pour surveiller son nid au sol, que pour scruter son terrain de chasse.

Un as du vol

Pour subvenir à ses besoins, il va soit prédater d’autres oiseaux, soit utiliser une technique bien particulière qui consiste à poursuivre en vol les sternes arctiques, mouettes tridactyles et autres guillemots afin de leur faire peur et qu’ils recrachent leur pitance dûment pêché en mer. Cet oiseau est si habile, qu’il parvient bien souvent à attraper en vol la nourriture.
Lorsque j’ai revu cet oiseau pour la première fois cette saison, j’ai retrouvé un air familier et sévère qui m’a tout simplement rappelé son proche cousin de l’hémisphère sud : le labbe de McCormick. Au final, j’ai surtout évité de l’approcher, ayant encore en tête mais aussi sur les mains, les stigmates de son redoutable bec…

 

Origine du nom

Le labbe parasite appartient à la famille des Stercorarridés qui compte 7 espèces ; 3 dans l’hémisphère sud et 4 dans l’hémisphère nord. Le nom de famille vient de du latin « stercus » qui signifie excréments ou fumier. Cette origine remonte au fait que par le passé, les observateurs pensaient que les labbes se nourrissaient des excréments lâchés par les oiseaux effrayés d’être poursuivis. D’excréments il s’agissait en fait de régurgitas… Voici un extrait d’un ouvrage de 1732 à ce sujet :

« Cet oiseau est un peu plus gros que cette espèce de mouette que nos Mariniers ont nommé Kutge-gebef. Il poursuit sans cesse cette mouette & la tourmente jusqu’à ce qu’elle ait fait son ordure. Le Strund-jager qui s’en repait, attrape adroitement cette ordure, avant qu’elle tombe dans l’eau. C’est là la raison pourquoi on le nomme Strund-jager, nom qui signifie Chasseur de merde. »

C’est le naturaliste Buffon qui corrigea cette idée dans son ouvre colossale Histoire naturelle des oiseaux :

« Il s’attache à elle, la poursuit sans relâche, & dès qu’il l’aperçoit quitte tout pour se mettre à la suite ; selon eux c’est pour en avaler la fiente, & dans cette idée lui ont imposé le nom de Strund-jager, auquel répond celui de Stercoraire; mais nous lui donnerons où plutôt nous lui conserverons le nom de labbe, car il y a toute apparence que et oiseau ne mange pas la fiente, mais le poisson que la mouette poursuivie rejette de son bec ou vomit. Ainsi le nom de stercoraire paroît donné mal-à-propos, & l’on doit préférer celui de labbe, par lequel les pêcheurs désignent cet oiseau, afin d’éviter que son nom puisse induire en erreur sur son naturel & ses habitudes. »

Le mot labbe, vient du suédois qui veut dire « marcher lourdement sans agilité » en référence à la démarche de l’oiseau à terre.
En anglais « européen » on l’appelle « Arctic Skua » qui vient de Skúgvur le nom du grand labbe aux îles Féroé. En Amérique du Nord, son nom est « Parasitic jaeger ». Jaeger vient de l’allemand “chasseur”, de l’illusion qu’il donne d’être un terrible prédateur.

Source et références

  • Jean-Frédéric Bernard, Recueil de voyages au Nord, contenant divers mémoires très utiles au commerce & à la navigation, 1732
  • Buffon, Histoire naturelle des oiseaux, tome 9, 1783

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